[Cet article contient des spoilers, mais la bande-annonce s’était déjà chargée à l’époque de divulgacher le contenu du film. Lire l’article ne vous ruinera aucunement un premier visionnage de The Crow. Et si vous l’avez déjà vu et que vous lisez tout de même ceci… et bien merci pour votre curiosité !]
Illustration @her.enui
En écoutant le dernier épisode du podcast Réalisé sans Trucages, j’ai appris pour mon plus grand bonheur que le film The Crow fait l’objet d’un reboot prévu pour cet été avec en tête d’affiche Bill Skarsgard, connu pour le rôle du clown Pennywise dans IT, et FKA Twigs, chanteuse de trip-pop qui signe sa première apparition sur le grand écran.
J’ai cependant vite déchanté en visionnant la bande-annonce de ce remake qui massacre de toute évidence l'esthétique très spécifique de la série gothique originelle. Rien de bien surprenant puisque le reboot est signé Rupert Sanders, réalisateur qui ne compte à son actif que des remake excessivement mauvais de grands classiques (Blanche-Neige et le Chasseur en 2012, Ghost in the Shell en 2017…). Autant pour les débuts d’actrice de la talentueuse FKA Twigs à qui je souhaite une meilleure continuation dans la musique (je recommande d'écouter Mary-Magdalene) que ce qu’annonce cette aventure cinématographique.
Ceci dit, je trouve l’occasion excellente pour revenir sur le bijou du cinéma gothique que représente la version de 1994 de ce film devenu culte. The Crow, à l’origine, c’est l’histoire d’un deuil aussi bien fictif que réel. Avant d’être adaptée au cinéma en 1994, l’histoire d’Eric Draven naît sous forme de comics que leur auteur, James O’Barr commence à publier en 1989 pour surmonter un drame survenu dans sa vie personnelle. Le double meurtre brutal de ses personnages principaux est une façon pour lui d’exorciser la douleur de la perte de sa partenaire, décédée brutalement après avoir été percutée par un automobiliste alcoolisé. Au fondement même de cette histoire déchirante de fantôme vengeur, il y a la peine provoquée par cet épisode traumatisant de la vie de l’auteur. Cet aspect torturé de la mise en abîme à su conquérir les lecteurs déjà assidus des Batman comics.
Au même moment, Alex Proyas, désespère de parvenir un jour à réaliser le projet de film qu’il porte depuis des années et qui allait devenir en 1998 le cultissime et bizarroïde Dark City. C’est donc porteur de tout cet imaginaire sombre et glauque qu’il se lance dans la réalisation de The Crow, ce qui explique les similitudes en termes de scènes et d’ambiances visuelles. En parlant d’ambiance et d’esthétique, j’avais d’ailleurs été frappée par la ressemblance entre le Batman de Robert Pattinson et le Crow de Brandon Lee. Tout, de l’attitude au visage grimé de noir laisse deviner un inspiration assumée par Matt Reeves (réalisateur du Batman de 2022) auprès de ce film tête de proue du nouveau gothique dans le cinéma.
Pour en revenir au film qui nous intéresse, il faut savoir qu’il a défrayé la chronique à sa sortie, mais pas tant pour sa qualité cinématographique (pourtant solide dans le genre qu’il investissait) que pour le fait divers survenu au cours du tournage. En effet, si la mort de la compagne de O’Barr a été l’élément déclencheur de l’écriture des comics, c’est celle de l’acteur phare, Brandon Lee, en plein tournage, qui a participé au succès du film. Fils de l’incontournable Bruce Lee, lui aussi décédé par accident trente ans plus tôt, le jeune homme s’est pris une balle on ne peut plus réelle accidentellement chargée dans une arme à feu factice. Le fait qu’il était sur le point d’épouser sa fiancée n’a également pas manqué de faire écho à la tragique destinée des amants du film.
Illustration @her.enui
Un contexte particulièrement glauque qui a beaucoup participé à la sinistre renommée du film. Avec ces éléments en tête, on regarde ce dernier d’un œil différent, surtout en sachant que des techniques de synthèse ont permis de reproduire le visage de l’acteur décédé par-dessus celui de son doubleur au cours de certaines scènes. Une technique révolutionnaire pour l’époque et qui mérite d’être cité entre autres petits miracles de scénographie.
Je n’ai pas grand chose à dire du scénario qui s’assume dans la simplicité de sa ligne directrice : une bonne vieille vengeance sanglante comme on les aime. Je ne peux m’empêcher cependant de souligner le charme un peu désuet de ce film des années 90 qui passe pourtant toujours aussi bien à l’écran. Tous les clichés sur l’esthétique gothique et grunge sont de la partie, de sorte que le film flirte avec le ringard sans jamais tomber dedans, faisant de lui l’équivalent pour le gothique des années 90 de ce qu’est Ghostbuster à la comédie fantastique et Back to the Future au film d’aventure futuriste.
Bande-annonce de The Crow 1994
Bande-annonce du reboot 2024
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