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Philouwer et Aliette : quand les murs nous racontent des histoires !


Toutes les photographies sont la propriété de Philouwer


Herenui (H) : Comment vous est venue l'envie de faire du street art ?

Philouwer (Ph) : Tout provient d’un accident de vie, à vrai dire, survenu il y a quelques années, et qui m’empêchait tout à fait de sortir de chez moi. Je n’arrivais plus à franchir le pas de ma porte. J’ai réussi à sortir de chez moi grâce aux street art dans mon quartier. Ça me plaisait bien et je me suis mis à en chercher aux alentours, ce qui me motivait à sortir à nouveau. Et en cherchant du street art, j’ai rencontré des artistes qui m’ont un peu mis la main à la pâte. J’ai commencé en faisant du graff’, donc de la bombe à peinture, et j’ai très vite glissé vers la technique qui est la mienne aujourd’hui.


H : Vos dessins sont très colorés et leurs design enfantins, pourriez-vous commenter ce choix artistique ?

Ph : Effectivement, on me dit souvent ça, et ça s’explique par ma réticence à dessiner des trucs durs ou sombres. Déjà ma technique s’y prête peu, puisqu’elle est très colorée et chatoyante. Elle est profondément liée à mon univers que je trouve bel est bien coloré et enfantin. Je tiens à partager quelque chose de positif et “feel good” qui puisse nourrir quelque chose dans l’imaginaire des passants. Je conçois un peu ça comme des débuts d’histoire. Je veux qu’on se demande : qu’est-ce que ce personnage dans la rue ? Qu’est-ce qu’il fait là ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Je voudrais que les familles et les enfants qui passent devant mon travail se racontent des histoires, un peu comme dans des contes.


H : Avez-vous déjà considéré de créer un livre pour enfants ?

Ph : C’est marrant que vous me posiez la question, parce qu’elle revient souvent ! J’y travaille d’ailleurs actuellement avec ma femme, @aliette_leroy ! Elle écrit des contes, des histoires, et c’est elle en général qui écrit les petites phrases accompagnant mes dessins. L’idée a été suscitée par des remarques qui revenaient souvent sur mon travail : “on dirait une page de livre dans la rue”. Alors on a décidé ma femme et moi d’essayer de mêler mes dessins au pastel avec ses écrits pour enfants.


H : Vous vous démarquez notamment par votre usage de craies et pastels : comment vous est venue l'idée de ce médium ?

Ph : C’est assez singulier en effet, et même si je n’ai pas fait de recherches à ce sujet, je ne pense pas qu’on soit nombreux à l’utiliser. Je sais que certains utilisent le pastel gras, mais je préfère le pastel sec, qui reste très différent en termes de technique. L’idée m’est venue d’une amie qui utilisait justement cette technique là lorsque je travaillais encore à la bombe. Elle m’a proposé d’essayer ensemble et lorsqu’on a tenté, j’ai vraiment eu un coup de coeur, même un coup de foudre pour cette technique ! Je me suis rendu compte qu’elle permettait de mieux retranscrire mon univers et mon style. En plus de ça, la technique a un côté très artisanal qui m’a tout de suite charmé. On passe beaucoup de temps sur le mur, on le touche, et tout ça implique un rapport à la matière qui m’a immédiatement beaucoup plu.



H : Qu'essayez-vous de transmettre par le biais de vos créations ?

Ph : Pour commencer, aller dans la rue, faire mes dessins, c’est avant tout un plaisir personnel. C’est une démarche qui me plaît énormément. J’ai beau dessiner sur plein de médiums, l’art dans la rue c’est vraiment quelque chose de différent en termes de rencontre, de relationnel, d’esprit, d’énergie… Ça implique plein de choses différentes et le support, la matière, l’aspect artisanal revêtent une dimension différentes. On va dans la rue, on reste au même endroit longtemps, on est un peu dans l’inconnu, tout ça me plait ! Même le petit côté adrénaline a quelque chose d’intéressant. Ce n’est pas la même chose que d’être assis à son bureau !

Pour ce qui est de ce que j’essaye de transmettre, comme je le disais plus tôt, c’est vraiment de bonnes ondes. Souvent, le fait que ce soit de la craie et pas de la bombe, vis-à-vis des riverains, facilite l’échange. La bombe dégage quelque chose de plus péjoratif avec l’odeur, le bruit et l’idée de vandalisme. La craie c’est autre chose et les gens sont davantage intrigués parce qu’elle évoque toujours le domaine de l’enfance. Un peu comme les enfants qui dessinent à la craie sur le sol de la cour de récréation.

En plus, comme je me rend souvent dans les mêmes lieux pour créer, ça devient une sorte de rendez-vous avec les gens des environs. Ils reconnaissent mon style, ils m’écrivent sur les réseaux ou me parlent dans la rue ce qui est très gratifiant et enrichissant.


H : Comment préparez-vous vos sessions de street art ? Vos fresques doivent prendre du temps pour être conçues, à quelle fréquence en faites-vous ?

Ph : Alors la fréquence dépend surtout de mes disponibilités, des beaux jours, de l’envie. J’ai tendance à suivre une pulsion, ce qui fait que je dessine plutôt par vagues. Je ne conscientise pas trop le sujet avant, dans le sens où je n’arrive jamais avec une idée fixe de ce que je veux faire dans la tête. Et même lorsque ça m’arrive, c’est plus lié au spot choisi qui m’évoque quelque chose et oriente le dessin. Donc je n’anticipe pas vraiment mes créations, ça se fait de façon spontanée et instantanée.

Après, ce qui relève plus de l’anticipation, c’est le choix des murs. Comme je travaille avec mes doigts et que je dois prendre en compte l’adhésion de la surface, je sélectionne les murs au préalable. Certains ne boivent pas du tout la craie car trop cirés ou imperméables, donc je suis obligé de bien choisir. Et outre l’aspect pratique, le choix relève aussi de mon propre goût. C’est-à-dire que j’aime bien jouer avec les volets, avec les vieux murs…



H : Et utilisez-vous un fixateur pour que les pigments restent en place ?

Ph : Non, je n’utilise pas de fixateur pour des raisons écologiques. C’est aussi pour ça que j’ai préféré la craie à la bombe, pour la simple et bonne raison qu’elle n’est pas très écolo. Je m’interroge beaucoup sur l’impact de ma technique et je trouve qu’ajouter du fixateur par-dessus la craie, ça ne ferait pas sens.

Et d’un point de vue artistique, j’aime bien l’aspect éphémère que ça implique. Moi ça ne me dérange pas que ça ne dure pas très longtemps, mais je sais que ça interroge souvent les passants qui sont habitués à du street art conçu de façon plus pérenne. Par ailleurs, je trouve que ça apporte un aspect fragile à mon travail qui me plait bien. Pendant longtemps j’ai eu du mal avec ça, mais aujourd’hui je l’accepte et même je le revendique. Certes, le dessin ne reste pas, mais il évolue avec le temps et les intempéries qui changent les couleurs et l’aspect. On peut revenir deux ou trois mois après, reprendre une photo, et le dessin aura changé entre temps.


H : Étant donné que vous passez beaucoup de temps sur un même mur, vous croisez beaucoup de monde. Vous est-il déjà arrivé de faire de mauvaises rencontres ?

Ph : En comparaison avec les bonnes rencontres, c’est très marginal. Le médium de la craie renvoie une meilleure image que le graff’ et puis j’ai pris l’habitude de discuter avec les passants, d’être pédagogue et d’expliquer ma démarche. Donc ça m’arrive très rarement et je ne me suis jamais senti en danger. Après, c’est vrai que je suis un homme, que je mesure 1,90m, donc ce n’est forcément pas le même ressenti que pour une femme.Par ailleurs, j’interviens en journée et pas la nuit, donc le fait de dessiner en plein jour retire aussi un peu à l’aspect transgressif du street art. On a pas l’impression de faire face à quelqu'un qui fait un délit. Et d’ailleurs, j’ai croisé quelques fois des policiers qui ne sont même pas venus me voir tellement c’est inoffensif.

Pour finir, je vais souvent dans la rue avec d’autres personnes ou ma femme @aliette_leroy, voire avec mon bébé, et ça apaise beaucoup le regard qu’on porte sur mon activité. Alors bien sûr, mon bébé c’est comme un passe-droit si on peut dire ! Quand je suis avec bébé, ça fait sourire les passants. En plus, on s’ennuie moins, je discute avec la personne qui m’accompagne et ça rend les choses plus agréables ! Et j’aime pouvoir me concentrer sur ce que je fais en ayant la sécurité d’avoir quelqu’un qui veille en même temps. C’est plutôt tranquillisant. Donc ce serait mon conseil en général pour faire du street art : être accompagné.



H : Avez-vous suivi une formation artistique ou artisanale avant de décider de vous lancer ?

Ph : Non, je suis autodidacte, mais je dessine depuis tout petit en revanche. C’est pas une marotte qui m’est tombé dessus. J’ai toujours beaucoup dessiné et ça s’est même intensifié, mais je n’avais jamais envisagé d’en faire un métier. Je suis vraiment arrivé dans le street art sur le tard. J’aurais d’ailleurs jamais pensé dessiner sur des murs, ce n’est pas l’idée qui m’en serait venue sans de bonnes rencontres.

D’un point de vue professionnel, je travaille dans le milieu associatif pour la lutte contre le cancer. J’accompagne des patients atteints de cancer et le street art est un peu comme une bulle d’oxygène par rapport à cette activité. Il m’est souvent arrivé de parler de ça avec ceux que j’accompagne et ça les amusait. Avant, je ne mélangeais pas du tout cet aspect de ma vie avec mon activité professionnelle, et puis la frontière est devenue plus poreuse avec le temps. La rue c’est aussi quelque chose qui échappe justement aux patients, et en parler ça a quelque chose d’assez thérapeutique. Ça les fait un peu sortir par procuration.


H : Quelles sont vos sources d'inspiration ? Les artistes ou ouvrages qui ont pu orienter votre choix esthétique ?

Ph : Alors je suis un mordu de bande dessinée à l’origine ! Je lisais les schtroumpfs quand j’étais petit et j’ai continué d’aimer la BD franco-belge en grandissant. Les histoires comme celles de Spirou, de Tintin, ont beaucoup déteint sur moi et influencé mon graphisme. Par la suite, ce sont des ouvrages comme Max et les Maximonstres ou Les Trois Brigands qui ont pris le relais.


H : Et peut-être les ouvrages de Claude Ponti ?

Ph : Oui ! C’est marrant que vous me parliez de ça parce que je le connaissais sans le connaître et je ne l’ai redécouvert que récemment. Je les ai lu quand j’étais petit et je n’avais pas du tout conscientisé. Je ne m’en rendais pas compte, mais beaucoup de personnes ont rapproché mon travail du sien et je pense qu’inconsciemment, j’ai mis un peu de ça aussi.


H : Avez-vous déjà réalisé des collab' et si oui, avec qui ?

Ph : J’en ai fait une récemment avec TEGMO mais je dois avouer que ça m’est arrivé bien moins souvent depuis que je suis à la craie. Quand je faisais du graff’, j’en ai fait plusieurs, mais la craie est une pratique qui ne facilite peut-être pas la collab’. Ceci dit, j’aime beaucoup travailler en binôme, et mon binôme par excellence, c’est ma compagne. Elle écrit les textes et je fais les dessins.

C’est vrai que j’ai fait peu de collab’ depuis que je suis à la craie, mais j’ai participé à pas mal de festivals en revanche, comme le Color Festival, Label Valette Fest, La Belle Vitry'ne…


Collab' avec TEGMO


H : Avez-vous de futurs projets dont vous souhaiteriez nous parler ?

Ph : Celui qui m’occupe le plus actuellement, c’est l’ouvrage sur lequel je travaille avec ma compagne @aliette_leroy. Par ailleurs, j’aimerais beaucoup accentuer ma présence dans la rue et aller vers une professionnalisation afin de faire du street art mon métier. Je tiens vraiment à mettre en avant ma technique qui me plait tant. Elle est malheureusement assez excluante pour le moment, parce qu’elle n’est pas pérenne, se dégrade avec le temps et se marie mal avec l’usage des aérosols. Et je trouve que dans cet aspect éphémère lié à ma technique, il y a presque quelque chose de philosophique que j’aimerais mettre en avant. De fait, ça m’a beaucoup interrogé de me rendre compte que les gens étaient souvent bouleversés de voir mon travail disparaître avec les intempéries. D’où la naissance d’une réflexion autour de l’éphémère dans notre société, que je tiens vraiment à mettre en avant. Quand on parle street art, on pense tout de suite graff’ ou collage et pas à la craie. Personnellement, j’ai à cœur de faire connaître ce médium qui, comme je le disais avant, présente de vrais avantages écologiques ! Parce que je connais de nombreux graffeurs qui sont engagés pour l'écologie mais qui utilisent paradoxalement des outils nocifs pour l’environnement. Et je dis ça sans jugement de valeur bien sûr !

Pour toutes ces raisons, j’aimerais vraiment être promoteur de cette technique que je trouve super originale en plus de ça. Le pastel permet de laisser une patte très identifiable et quand je compare mon travail à celui de @emyarts, qui fait du pastel gras, je vois bien que les rendus sont très différents ! Donc le pastel offre une multitude de possibilités !


Philouwet et Aliette au Color Festival

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